Jeudi 28 janvier la journée d’étude du comice agricole d’Arlon a rassemblé à Attert plus d’une centaine de participants venus s’informer sur les conditions de remise et transmission des exploitations agricoles.

C’est le député-bourgmestre, Josy Arens, qui les a accueillis « au sein de la commune la plus rurale de Wallonie ». Celui-ci n’a pas manqué de rappeler son passé d’agriculteur et son perpétuel combat en faveur de l’agriculture et de la ruralité, tant au parlement fédéral où il siégeait à la Commission agricole qu’au régional où il interpelle régulièrement les ministres de l’environnement et de l’agriculture. Attert, comme les autres communes du royaume a vu le nombre de ses agriculteurs se réduire fortement. De 170 il y a une quarantaine d’années il en reste aujourd’hui qu’une vingtaine, constate Josy Arens, qui déplore cette « hémorragie » des forces vives de sa commune. Il craint que sans solution politique cette réduction va se poursuivre. Aussi de l’Europe, il souhaite plus de considération pour les cultivateurs frontaliers et appelle de ses vœux un alignement des soutiens financiers accordés aux agriculteurs belges sur celui de leurs voisins Grands Ducaux. Du régional, il attend des fonctionnaires en charge des dossiers d’aide aux installations et investissements (nombreux dans la salle) un engagement sans faille pour mobiliser tous les leviers économiques disponibles pour soutenir et assurer le maintien de l’activité agricole de notre région et, du gouvernement, il espère une action forte en mesure de résoudre la problématique foncière, dont seul le « déblocage » permettra d’offrir enfin des perspectives économiques favorables à l’activité agricole dans sa commune et plus largement dans tout le sud-Luxembourg.

En matinée, quatre intervenants ont fait le point sur l’état de la question avant d’engager le débat avec la salle. D’abord, une rapide mais édifiante présentation de la situation et évolution du nombre de fermetures d’exploitation présentée par Pierre PEETERS, directeur du DER SPIGVA : -plus de mille exploitations disparues en province de Luxembourg en 10 ans dont 175 en région jurassique soit une sur trois ! Ensuite , l’auditoire a pu entendre le témoignage d’un agriculteur de la région de Virton en train d’installer son fils sur une exploitation mixte qu’il avait lui-même repris de ses parents en 1983, et dont il a rapporté les moments intenses pleins de doutes et d’interrogations. Les droits à la retraite du travailleur indépendant, tels que déterminés par l’INASTI furent présentés par le modérateur de la journée, Pascal POCHET (suite au désistement de dernière minute de l’orateur annoncé) et Roger PICHOT, consultant agréé du CER Groupe, traça le parcours administratif, étape par étape de la convention de reprise qui définira in fine les droits et engagements du cédant et du preneur.

Après le lunch, l’après-midi apporta un nouveau débat consacré aux aspects légaux, -juridique et fiscal- liés au passage de propriété et/ou des baux, lors de la cession de l’exploitation.
Bruno DINEUR, directeur de la DGO3 à Libramont, ouvrit cette seconde partie avec la transmission des DPB (droits à la Prime de Base) et les aides directes aux investissements (ADISA) telles que l’on peut les formaliser dans le cadre de la récente modification de la Politique Agricole Commune. Ensuite la transmission du foncier fut abordée en duo par maîtres BEGUIN et CAPRASSE, notaires. Ici aussi les orateurs réussirent à extraire de l’écheveau législatif des pistes claires en mesure de répondre aux diverses situations rencontrées et aux choix (transmission à titre onéreux ou à titre gratuit) des cédants et des objectifs poursuivis, qu’ils soient civils (préparer une succession), professionnels (assurer la continuité de l’entreprise) ou fiscaux (limiter les charges et droits). Enfin, le fiscaliste Jean-Charles LELOUP, de Fiscali-FWA, fit le point sur les règles à respecter, les pièges à éviter dans le cadre du passage de propriété de l’entreprise et des immeubles y afférents : enregistrement, taxation des plus-values régimes forfaitaires …

A l’issue des échanges par questions réponses entre la salle et les quatre intervenants, Il revint au Ministre de l’Agriculture, de la Nature et de la Ruralité, de tirer les conclusions de cette intense journée.

Après avoir remercié le Comice Agricole d’Arlon pour l’organisation de cette journée d’étude ainsi que les orateurs pour la qualité des exposés, le Ministre a longuement présenté toutes les mesures qu’il a prises en faveur de l’agriculture wallonne et plus particulièrement les jeunes agriculteurs. C’est ainsi qu’il a pu obtenir du gouvernement, lors de la réforme du décret sur la donation des terres (décret du 17 décembre 2015) le maintien de la non taxation des donations des terres lors de la transmission des exploitations agricoles (0% en dessous de 150 ha et un taux de 3% au delà !) A l’Europe il a arraché des aides couplées supérieures au seuil maximal initialement prévu au bénéfice de la seule Wallonie. Les paiements des primes à l’installation et aux investissements aux jeunes agriculteurs sont également majorés en région défavorisée.

Enfin concernant la problématique foncière, René Collin est bien entendu également d’avis que la situation actuelle ne peut perdurer. Il constate, comme tout un chacun que la loi sur le bail à ferme, qui n’a plus été modifiée depuis 1989, est aujourd’hui, à l’antipode de ses objectifs qui étaient de sécuriser l’accès du foncier aux producteurs. Aujourd’hui elle décourage les propriétaires à s’engager dans un contrat de bail. Comment encore permettre des locations sans bail écrit ? Comment encore se fier à cette loi lors des échanges de terres où on constate qu’en fin de parcours le propriétaire ne sait même pas qui cultive sa terre ?

Le bail à ferme, suite à la sixième réforme de l’Etat, est compétence exclusive des régions. Le gouvernement wallon est-il disposé à légiférer en cette matière ? Certainement estime René Collin, mais la prudence est de mise. Et de révéler que les syndicats agricoles et l’Union des propriétaires, qui négocient déjà depuis de longs mois, lui avaient demandé, dés son entrée en fonction, de leur laisser le temps d’établir leurs propositions de réforme. « Fin février, je devrais obtenir ces propositions et nous nous mettrons au travail », confie le Ministre, qui trace dés lors les trois étapes de sa réforme :

  • La création de l’observatoire du foncier. C’est le plus facile et absolument nécessaire. Cela est en train de se faire en collaboration avec la Chambre des Notaires, mais exige encore quelques adaptations techniques pour permettre les échanges de données.
  • L’abandon du système actuel de la commission de fixation des coefficients de fermage au profit d’une indexation automatique. Ce nouvel indice, le ministre l’entrevoit basé sur deux indicateurs : l’évolution du coût de la vie (pour 50%) et l’évolution du revenu agricole (pour 50% également)
  • La réforme du bail à ferme proprement dite, qui sera négociée dans la foulée du rapport que lui ont promis syndicats et propriétaires.

Grande satisfaction dés lors du côté des organisateurs, Gaby Heinen, Président et Paul Depauw Secrétaire du Comice qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour la réussite de cette journée d’étude du « 4ème jeudi de Janvier » qu’ils espèrent bien renouveler l’année prochaine à Attert.

Retrouvez les présentations de nos orateurs

Pierre Peeters – Toujours plus de fermes qui ferment
Pol Vermeersch – La pension de retraite du travailleur
Roger Pichot – Convention de reprise : un contrat qui vous engage
Bruno Dineur – Transmission des DPB et ADISA
E. Beguin – Transmission du foncier : quelles pistes ?
Jean-Charles Leloup – Aspects juridique et fiscal